En Grèce, vous avez sûrement vu des Grecs d’un certain âge égrener une sorte de chapelet de grosses perles. C’est un komboloï mais d’usage purement laïque. Mais quelle est l’utilisation du komboloï en Grèce ?
Déguisé en chapelet, le komboloï fait état de sa dualité et nous invite à nous plonger dans la détente, la délectation et la volupté propres à l’Age d’Or.
Le noeud (-kombos) et la parole (-loï) s’entremêlent avec les perles d’ambre ou de verre ou de bois qui glissent sur les doigts masculins de la même souplesse que la peau d’albâtre procure à son toucher, en renforçant ainsi la virilité .
Assis au kafénio, les jambes écartées, les hommes prennent du plaisir à enfiler des perles et à faire tourner nonchalament le komboloï dans les deux sens jusqu’à ce que les boules soient englouties par le creux de la main tout en se riant des canons religieux.
Car le peuple grec n’est pas censé être un peuple de soumission, de misère et de dévotion.
Le komboloï célèbre l’esprit de fête, la relaxation et la paresse nostalgique. Accompagné de café grec, les plaisirs sensoriels touchent au summun et les hommes deviennent plus liberés que jamais.
Hors de question qu’une femme tienne à la main un komboloï. Elle risque d’être qualifiée de matrone, et non pas d’égale de l’homme. Toutefois, les femmes grecques, étant les frondeuses par excellence, s’approprient cet objet phallocratique qui orne leur cou nu et leur poignet fin et parfumé.
N’oublions pas également qu’en tant que rival digne de la cigarette, le komboloï occupe avec virtuosité les doigts des ex-fumeurs et les induit à secouer définitivement le joug d’une habitude invétérée et à jeter les fondements d’une vie épurée.
Il advient que ce petit “démon “ a apparu pour s’introniser dans la mentalité grecque moderne, avide de frivolité et de ludisme.
Texte de Savina Maïpa (pour la Sorbonne, 2013)
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