Imbros, une île que nous avons aimée. Depuis 100 ans, les Grecs ont amertume et nostalgie de la terre d’Imbros qui est devenue turque avec le nom de Giokçeada.
J’ai décidé avec mon époux de visiter cette île dont on m’a si souvent parlé…
Où se trouve Imbros (en grec, prononcé Imvros) ? L’île d’Imbros se trouve au nord de la mer Egée à la sortie du détroit des Dardanelles (Isthme naturel liant la mer Noire et la mer Egée (partie de la mer Méditerranée)). C’est une petite île montagneuse de 31 kms2 qui comprend 9.000 habitants dont seulement 300 Grecs aujourd’hui.
Comment aller sur Imbros ? Pour y aller, vous devez prendre un vol pour Istanbul. C’est ce que j’ai fait avec mon mari. Pour aller en Turquie, vous n’avez besoin que de votre passeport. Nous avons ensuite pris le bus de l’autogare d’Istanbul pour Çanakkale (6h de trajet, 15 Euros/personne). Sur l’île, nous avons voyagé avec un ami d’Imbros qui avait une voiture.
Mes impressions en arrivant sur l’île. Etant habituée aux images des îles grecques touristiques, je dois dire qu’au premier abord, je fus déçue. Nous sommes en Turquie et donc les mentalités sont différentes et ça se voit même à travers les paysages. J’ai vu beaucoup de jeunes dans les rues. L’île vit de l’élevage de caprins mais pas du tourisme. Les habitations qui se ressemblent toutes semblent fabriquées précairement et les belles plages de l’île sont désertes. Je pouvais voir quelques mulsulmanes se baigner avec le foulard mais c’était tout. C’est en allant dans les villages que j’ai pu apprécié l’enthousiasme, la ferveur et le côté très actif des Grecs.
Où loger à Imbros ? Il n’est pas si facile de trouver un bon logement sur l’île mais d’année en année, l’île se développe pas mal J’ai donc trouvé cette année un appart au Azra apart. Au moins, nous avions tout ce qu’il faut à porter de main dans ce complexe dans la capitale de l’île d’Imbros appelée Kaleköy (anciennement Kastro pour les Grecs).
Comment Imbros est devenue turque ? Suite à la Catastrophe de Smyrne (persécution des Grecs de la ville de Smyrne sur la côte d’Asie Mineure turque), suite au Traité de Lausanne, la Grèce fut obligé de laisser les îles d’Imbros et Ténédos à la Turquie. Le problème est que l’auto-administration des Grecs sur l’île fut faite par les Turcs et non pas par les Grecs de l’île. Cette dernière comptait 8.000 Grecs avant le traité de Lausanne en 1923 et 1.000 Turcs. En 1927, l’Education grecque fut interdite et les enfants rentraient à la maison en parlant turc. Les habitants Grecs commençaient à s’inquiéter. De 1963 à 1968 et puis de 1974 à 1980, les mesures suivantes vont pousser à la disparition des Grecs sur l’île. En 1980, un plus que 3% de la population greque est restée sur l’île. Aujourd’hui, la plupart des Grecs au nombre de 300 environ sur Imbros sont des personnes de plus de 50 ans pour la plupart d’entre eux contre 6.000 Turcs sur l’île. Les autres raisons qui ont incité au démantellement de la communauté grecque sont les suivantes.
- La suppression des écoles grecques,
- la confiscation arbitraire des écoles,
- la suppression des moyens de subsistance de la population locale par l’application systématique d’un programme d’expropriation qui a poussé à la perte de 95% des terres grecques. Les terres et les maisons sont vendues à des prix extrêmement bas aux nouveaux arrivés musulmans sur l’île.
- des prisonniers Turcs armés de couteau, les “souyiadès” sortaient pour mener la vie dure aux Grecs (vols, pillages et meurtres).
- Imbros était une zone de surveillance des Dardanelles. L’armée turque était et est encore partout.
Quelles sont les traces grecques sur l’île ? L’île au 6 grands villages grecs…
- Le village d’Aghi Théodori (Saints Théodores) devenu Zeytinli pour les Turcs compte moins d’habitants Turcs que Grecs, lesquels sont au nombre de 200 environ. C’est le village où est né le patriarche de Constantinople, Bartholomée 1er. C’est un village à 3 kms du village chef-lieu de l’île, Panayia. Les Grecs de tous les pays, la plupart originaires d’Imbros, viennent l’été autour du 15 Août pour prier dans l’église St Thédori. Le patriarche vient sur l’île, quand il a l’occasion, pour guider la messe du 15 Août. Je l’ai vu cette année de ma visite. J’ai vu un homme simple qui donnait du courage avec ses douces paroles à tous les Grecs vivant à Imbros. Des moments d’émotion pour moi… Sur un bas versant de l’église, nous avons une superbe vue sur l’île. Tout autour, je pouvais voir des pins et des oliviers.
L’école municipale d’Aghi Théodori. Créée en 1930 par les habitants de l’île d’Imbros, elle devient vite renomée sur l’île. C’est en 1964 que l’école est brûlée comme les 10 autres écoles à Imbros. C’est en 2013 que l’école s’est réouverte ! C’est vraiment très encourageant pour les habitants de l’île même si aujourd’hui, on ne compte que quelques élèves dans cette école.
2. Le village de Skinoudi appelé aujourd’hui Dereköy compte environ 40 Grecs. Ce village se trouve dans le centre du côté ouest d’Imbros. C’était le plus gros village de l’île avec 2.500 Grecs, il y a 60 ans. Les habitants vivaient des produits de l’olive, du miel et du vin. Ils travaillaient dur, vu les maigres ressources naturelles de l’île mais ils avaient une vie décente et vendaient même leurs produits à l’étranger. Ce village presque vide au cours de l’année se remplit mais pour la fête du 15 Août en occupant avec enthousiame la belle église de la Dormition de la vierge. Ce village devient de plus en plus vivant grâce à un habitant du village qui s’appelle Nikos Doldouris. Il a quitté l’île en 1964 avec sa famille comme la plupart des Grecs cette année-là. Il ne peut oublier son île et il y est revenu il y a 20 ans. Il est consideré comme l’homme exemplaire pour les Grecs de l’île et pour ceux qui ont quitté l’île. Il renova sa maison et de plus en plus de ses concitoyens commencent à faire comme lui. Je l’ai rencontré en 2013 : Au début, il était mal vu par les Turcs mais il leur fit comprendre qu’il est sur l’île parce qu’il aime sa terre natale. Il est convaincu que Turcs et Grecs peuvent vivrent sur l’île pacifiquement…
3. Le village de Panayia (en francais, la Vierge) appelé aujourd’hui Cinarli ou Merkez ne compte plus qu’une dizaine d’habitants Grecs. C’est le chef-lieu de l’île depuis 1700 et on y trouve toutes les administrations turques de l’île. On peut aussi y voir l’église de Kimissi tis Théotokou (en grec, l’église de la Dormition de la Vierge, construite en 1835) ainsi que quelques autres églises et chapelles. C’est dans ce village que se trouve le cimetière municipal principal des Chrétiens Orthodoxes. Après le 15 Août, les Grecs se réunissent dans le cimetière à la mémoire des membres de leurs familles morts sur l’île et offrent des gâteaux à tous ceux qui entrent dans le cimetière…. sympa….
4. Le village d’Agridia aujourd’hui appelée Tepeköy. Ce village est par excellence grec. Aujourd’hui, il ne compte qu’une vingtaine de Grecs. Ce village en montagne était prospère avec la culture des olives, du miel et du vin. Chaque grec avait 3 a 4 vignobles par famille. Dans ce village, on peut voir un café et une école grecque (2 photos plus bas, avant et après la construction de l’école). La plupart des villages dont celui-ci sont dits préservés par l’état turc. La nature est aride dans et autour de ce village mais il y a pas mal de sources d’eau fraîche. C’est dans ce village que j’ai découvert une tradition grecque ancienne acceptée par les Orthodoxes : les “Koulbania” qui est en fait le sacrifice de boeufs. J’ai trouvé le spectacle trop cruel mais j’ai quand même accepté de manger le “kourkouta” offert aux gens au 15 Août , genre de purée de bouillon de boeuf bouillant avec du blé.
5. Le village de Glyky appelé Bademli n’a même pas une dizaine d’habitants grecs. C’était un village qu’on ne pouvait pas voir de la mer (loin de la vue des pirates) mais qui était aussi protégé des vents du nord. Il se trouve à 450m d’altitude. C’est au 18e sc qu’il put avoir vue sur la mer. C’est dans ce village qu’est né le partriarche oecuménique Bartholomée 1er. Dans les années 60, il y avait 150 maisons à 2 étages et environ 600 habitants.
6. Le village de Κastro appelé Kaleköy (photo tout en haut de cet article) se trouve dans la pointe nord-est de l’île et a pris son nom du château adjacent. Il a été un petit port construit par les français pendant la première guerre mondiale. Il n’y a pas de grecs habitant ce village aujourd’hui. C’est l’endroit où il y avait les plus anciennes habitations sur l’île et une ville antique. Ensuite, ce fut une cité byzantine et on peut encore voir ses murs. Pour y aller, il faut suivre un chemin qui n’est pas tracé. Du château byzantin, on a une superbe vue sur l’île.
Etes-vous déjà allé(e) sur l’Imbros ? Peut-être pour des raisons différentes des miennes.
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Félicitations … et merci pour votre article .
Mes grands parents (grecs) ont quitté Imvros et se sont installés en Égypte . Je ne sais pratiquement rien sur eux ( même leurs noms de famille a été changé )
Grâce à votre article , je reprends espoir de mieux comprendre mon histoire .
Félicitations pour votre article. Ma grand-mère maternelle ayant été une grecque d’Imbros, née à Glyky (signifiant Doux) je suis de près les nouvelles de lîle. Heureusement, les nouvelles sont enfin encourageantes. Depuis la réouverture des écoles grecques les grecs retournent (car la raison principale de leur fuite était l’absence d’éducation grecque pous leus enfants) et ils sont passés de 150 il y a dix ans à près de 700, dont plus de 60 enfants scolarisés, tandis que l’école grecque a réouvert en 2013 avec seulement 4 élèves. De plus en plus d’églises sont réparés ou rénovés et de plus en plus de propriétés grecques sont retournées à leurs propriétaires légaux. Il y a encore beaucoup à faire, mais on peut enfin être optimiste, pour la première fois après une soixantaine d”années. Imbros a l’occasion de devenir un exemple de coexistence pacifique des deux peuples. Espérons…
Denis Roubien
Félicitations pour votre article.
La Turquie a délibérément violé l’article 14 du Traité de Lausanne ( 1923 ) qui stipulait l’autonomie des îles
d’ IMVROS et TENEDOS.
Jacques BRICAULT